Au regard de l’insécurité grandissante au Burkina Faso depuis 2015, le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNHCR) a renforcé ses activités, surtout auprès des personnes déplacées internes (PDI). Tony TAMAGU, d’origine burundaise, porte un intérêt particulier aux questions relatives aux zones sensibles. Administrateur associé de terrain et chef de Bureau du HCR à Bobo-Dioulasso, il nous fait le point des actions d’accompagnement des PDI dans cette ville.

Depuis quand le HCR intervient-il dans la région des Hauts bassins et précisément à Bobo Dioulasso ?

Le HCR intervient depuis très longtemps au Burkina Faso. Il avait interrompu ses opérations quelque temps avant de revenir en force en 2012. La situation sécuritaire du pays qui a commencé à se dégrader depuis 2016 a amené le HCR à renforcer ses activités et à intervenir auprès des personnes déplacées internes (PDI) au niveau du Burkina Faso. Dans la région des Hauts-Bassins, le HCR a commencé à intervenir en 2018 en faveur des PDI avec plus d’activités à partir de 2020 lorsque la crise d’urgence humanitaire a été classée au niveau 3.

Combien y a-t-il de PDI à Bobo-Dioulasso et comment vivent-elles ?

Selon le Comité national de secours d’urgence (CONASUR), à la date du 31 décembre 2021, le nombre des PDI s’élevait à 1 579 976 sur l’ensemble du territoire national avec 24 825 PDI dans la région des Hauts-Bassins dont 5 166 à Bobo-Dioulasso. On dénombre parmi les PDI enregistrées à Bobo, 2 989 enfants et 1 271 femmes ce qui correspond à 87% de l’effectif. Certes, Il n’y a pas de camp ou de site de déplacés dans la ville de Bobo mais toutes les PDI sont directement ou indirectement des bénéficiaires de nos interventions. Il existe quelques sites spontanés à Pouy et dans la commune de Banzon mais la majorité des PDI sont dans des familles d’accueil à Bobo. D’autres sont souvent reçues dans des abris d’urgence et certaines reçoivent du cash ou des articles ménagers essentiels (AME).

Comment intervenez-vous ?

Le HCR est lead de trois clusters dont celui de la protection. Notre intervention consiste entre autres à lutter et à protéger les femmes et les filles contre les violences sexuelles, à assurer le suivi psycho-social de certains cas et à faire des dotations de « kit de dignité » aux femmes en âge de procréer. Par exemple en 2021, on a donné des kits de dignité (kit d’hygiène) à plus de mille femmes.

Nos actions favorisent aussi l’intégration des PDI dans les activités socioéconomiques de la région et cela est un facteur de renforcement des liens entre les PDI et les populations dans les zones d’accueil. Le HCR fait également du plaidoyer auprès des associations et des coopératives qui acceptent d’intégrer les PDI ; mais souvent les coopératives n’ont pas les moyens d’absorber le surplus.

Alors en ce moment, le HCR intervient pour aider ces structures à pouvoir contenir et supporter le flux. L’organisation appuie aussi les PDI qui disposent de plans d’affaire à développer ou à accroitre leur autonomie et leur éviter de tomber dans l’assistanat. Evidemment, on ne peut pas prendre en charge tout le monde mais on accorde généralement la priorité aux plus vulnérables.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face en matière de prise en charge des PDI ?

La situation ne fait qu’empirer avec de nouvelles régions concernées qui connaissent un grand flux de déplacés comme les Cascades et le Sud-ouest alors qu’il n’y a pas suffisamment de fonds pour gérer les besoins de ces personnes. La plupart des services sociaux ont fermé, l’accès humanitaire à certaines zones est rendu difficile par la menace d’engins explosifs improvisés. Ensuite, il y a une forte pression sur les ressources naturelles qui créent souvent des frictions entre les PDI et les populations hôtes. La demande étant plus forte que l’offre entraine une flambée des prix.

Auriez-vous des recommandations pour améliorer la prise en charge des PDI ?

Le problème doit être résolu à la source. La solution durable c’est de combattre l’insécurité pour permettre aux PDI de retourner dans leur localité de façon digne et sécurisée. Et que ceux qui veulent s’installer ailleurs puissent être accompagnés. Mais tout cela nécessite des fonds et en attendant que la sécurité soit rétablie il faut tout de même des financements pour venir en aide aux institutions qui interviennent dans ce sens.

— Touwendinda Zongo/Mary Ango