Hama Cissé, directeur de la radio Kawral : « promouvoir la solidarité des auditeurs »

Je voudrais partager cette expérience formidable de solidarité à l’égard des déplacés internes. Il s’agit ici de la contribution des auditeurs d’une radio, Radio Kawral, au soutien apporté aux Personnes déplacées internes (PDI). Les auditeurs les ont aidées à mener des activités génératrices de revenus. Ils ont demandé à la mairie de leur octroyer un terrain afin de cultiver des céréales dont une partie est vendue et l’autre consommée. Ils ont également entrepris un plaidoyer auprès de l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi, ANPE, pour leur accorder une formation en saponification, en élevage et en conservation des produits. Ces formations ont permis à ces personnes déplacées internes d’avoir de quoi subvenir à leurs besoins. Ce sont des activités qui permettent également aux femmes déplacées internes d’avoir une certaine autonomie. C’est un bon exemple de solidarité du club des auditeurs que nous avons appelé club d’écoute.

Fiston Mahamba (RDC) : « mettre en avant la dignité des PDI »

Fiston Mahamba est un journaliste congolais de la République Démocratique du Congo, éditeur et formateur en vérification des faits à l’Organisation Congo Check. Il participe au FIRAF en tant qu’étudiant en Master 2 de l’Université Nazi-Boni. Ayant été confronté plusieurs fois à des crises dans la partie Est de son pays, une région où règne constamment la violence, il a eu à couvrir de nombreux événements en rapport avec les Personnes Déplacées Internes qui fuient perpétuellement ces attaques armées de rebelles. Par expérience, il peut affirmer qu’il est indispensable d’avoir une approche particulière, voire sensible, en ce qui concerne la couverture médiatique en temps de crise. Il préconise la patience dans la collecte d’informations auprès des PDI car les victimes traumatisées ne sont enclins à donner leur témoignage. « La construction de la confiance est primordiale et aide le journaliste à obtenir le consentement des victimes. Même en temps de crise, la dignité des PDI doit être mise en avant aussi bien par les journalistes que par les autorités. La prise en charge psychologique est par ailleurs recommandée, car les violences affectent profondément les humains à plusieurs niveaux ».

Touwendenda Zongo, Commission burkinabè des Droits humains : « Sortez vos mouchoirs »

Je suis choqué par la perte totale de la dignité humaine de ces personnes déplacées internes recueillies dans les camps. Si vous vous rendez sur un site de personnes déplacées, sortez vos mouchoirs, parce que vous allez pleurer. Il arrive que dans un camp, on mette une seule tente à la disposition d’une grande famille. Cela veut dire que le père de famille, sa femme, leurs fils eux-mêmes mariés et leurs épouses sont souvent contraints de partager la même cellule. Vous avez des enfants de 8 à 12 ans qui errent, qui ne vont pas à l’école et qui vous disent même qu’ils ont faim . La situation est vraiment dramatique sur ces sites de personnes déplacées internes.

Aminata Sanou, journaliste à Burkina 24 : « les femmes font plus vieux que leur âge »

C’est sur la base d’une initiative personnelle que j’ai découvert l’existence des déplacés internes à Banfora. Cette situation n’était pas rapportée par la presse. Même les journalistes de Banfora n’en parlaient pas. Trop souvent, les journalistes réagissent seulement après les services sociaux et les autorités. Alors qu’ils devraient essayer de lever le lièvre que les autorités essaient de cacher. Je voulais dans un premier temps rapporter l’existence de déplacés internes dans un territoire diamétralement opposé aux combats. Je m’étais dit que pour intéresser les gens à leur sort, il fallait le contextualiser avec un évènement, en l’occurence la célébration du soixantième anniversaire de l’indépendance du pays. J’ai essayé de créer le contraste de la fête avec le drame que vit une partie de la population dans cette localité. J’ai été choquée en écoutant le récit d’un enfant de 4 ans relatant ce qu’il avait vécu avec sa mère. Contrairement aux autres régions où on trouve des camps de déplacés, ceux de Banfora vivent soit dans des familles, soit dans des lieux de fortune. Je me suis rendue à un cimetière qui faisait office de site pour un groupe. Ils y ont passé plus d’une année et jusque-là personne n’avait évoqué la question de leur logement. Ce qui m’a le plus choquée également, c’est qu’en dehors d’une jeune fille de 18 ans que j’ai vue, toutes les autres femmes faisaient dix à quinze ans de plus que leur âge, à cause de leurs conditions. Je pense qu’il n’y a pas d’image plus illustrative de la détresse. Le sort de ces personnes ne semble préoccuper personne. Mais l’absence des services sociaux est remplacée par les actions des populations hôtes. Les autorités ne doivent pas tout laisser entre les mains des populations hôtes et des ONG. Je demande aux journalistes de se sentir toujours interpellés parce que plus on se tait, plus ils sont oubliés.

— Fiston Mahamba/Nicole Ouédraogo